L’ange du foyer (The Angel of the Home) — Emmanuelle Guattari

L’ange du foyer

Elle a surgi dans l’herbe haute du bas-côté comme une cible à pigeon-vole. Aussi raide dans la nature de l ‘été. Pourtant elle est vêtue comme l’Ange du foyer de Max Ernst, avec des oripeaux flamboyants et des superpositions sur le buste, et chapeau en haut, les pieds nus sur les petits cailloux qui font le lit de l’asphalte.
Le taxi a mis son clignotant et il fait une petite embard´e prudente.
— « Arrêtez-vous ! »

Le chauffeur arrˆte la voiture après le virage.
Je trottine vers la femme.
Maintenant une deuxième femme est apparue. Je ne
sais pas d’où elle vient, elle n’´tait pas là avant. Elle est à pied elle aussi. Pas d’autre voiture arrˆt´e. Elle ne me reconnait pas.
Les automobilistes ralentissent, roulent au pas et nous longent, comme on regarde les accidents.
— Bonjour Madame, dit une femme à l’autre.
Elle lui prend le coude. Venez.
— Ah, mais on a bien le droit de se promener !
— Eh bien non, pas si loin. Et puis pourquoi vous n’avez pas de chaussures!

Emmanuelle Guatarri, 2014

The Angel of the Home

She appears like a moving target in the tall grasses along the shoulder. And just as rigid, in the summer landscape. But she’s dressed like Max Ernst’s Angel of Hearth and Home, flamboyant rags layered over the chest, hat on top, feet naked on the little stones that make up the asphalt.
The cab has put on its blinker and deviates slightly, out of caution.
”Stop!”

The driver stops the car, past the bend.
I trot up to the woman.
But a second woman has appeared. There’s no saying where she came from; she wasn’t here before. She’s on foot too. But there’s no other car standing by. She doesn’t recognize me.
Drivers slow down, drive at a crawl, and graze past us as you would to gawk at an accident.
”Hello, Ma’am,” one woman says to the other.
Then grabs her elbow. Come along now.
”It’s alright to take a stroll!”
”Well, no, it isn’t. Not this far out. And why don’t you have any shoes on!”